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31 décembre 2006

Conte de Noël - Le chat de Passeloup – 5/6

[Pascale, surprise, désemparée, perdue, éclata en sanglot. Cette fois, le moteur ne cala pas.]

Arrivée chez elle et à peine était-elle sorti de la voiture, que Karine, la jeune fille qui gardait les enfants l’aborda en lui signifiant qu’elle était très en retard et qu’elle s’en allait tout de suite.
Pascale la remercia chaleureusement de sa patience et la libéra aussitôt en lui promettant de lui régler ces heures supplémentaires.

Quand elle poussa la porte de la maison portant le chat emmitouflé dans sa couverture, elle s’attendait bien sûr à essuyer une tempête de questions et de reproches de la part de ses enfants que les évènements récents rendaient chaque jour plus inquiets que jamais.
Effectivement, à peine eut-elle le temps de refermer la porte du pied qu’Erwan et Camille se relayaient déjà en gémissements réprobateurs et en arborant des visages complètement défaits.
Sans souffler mot, Pascale dégagea alors un pan de la vieille couverture pour faire apparaître la tête du chat qui ne comprenait rien de ce qui lui arrivait.
Elle failli fondre de bonheur quand elle remarqua alors la stupéfaction des enfants dont rapidement les visages s’illuminèrent d’une joie radieuse qu’elle ne le leur connaissait plus depuis bien des mois.
Il fallait se douter que cet animal de fortune, ce vieux chat borgne, paralysé et décati constituait malgré tout le plus beau cadeau de Noël que les enfants n’espéraient plus avoir cette année.

Pascale déposa son paquet sur la table du salon et à peine avait-elle retiré et rangé son manteau, Camille s’était déjà saisi de l’animal et le caressait tendrement en le tenant sur sa poitrine.
D’un vieux cageot garni de la couverture, ils firent une couche au chat et l’installèrent près de la petite cheminée.
Les enfants, ravis et excités comme des puces se relayaient à son chevet, l’une le caressant, l’autre lui proposant tout ce qui pouvait se manger et les deux l’abreuvant des paroles les plus douces et réconfortantes.
L’animal, qui fut rapidement baptisé du nom de Wolfgang proposé par Pascale eu égard aux circonstances musicales de sa découverte, n’accepta pour repas que la moitié d’un ravioli et quelques gouttes de lait tiède.
Pascale eut beaucoup de mal à coucher ses enfants et s’endormit elle-même enfin, bercée par leurs babillages fervents.

Le lendemain ce fut malheureusement la consternation dans la petite famille : Le chat respirait toujours, mais ne réagissait plus à rien ni à personne.
Un conciliabule soucieux dégagea l’idée qu’il fallait au plus vite le porter chez un vétérinaire.
Aussitôt dit et aussitôt fait et Pascale et les enfants se préparèrent à cette expédition salutaire.
Hélas, la nuit très froide et les embardées de la veille avaient eu sans doute raison de la vieille R5 qui refusa totalement de démarrer.
Le désarroi des enfants força alors Pascale à envisager d’aller à pied jusqu’à la petite ville de Frivoli en raccourci par le chemin de terre.
Se doutant que ce périple pourrait être difficile vu qu’il y avait quelque sept kilomètres à parcourir dans le froid et sans doute dans une tempête de neige annoncée aux infos, Pascale s’y résigna tout de même et ayant installé le chat moribond dans sa couverture au fond d’un panier d’osier, ils partirent ainsi tous les trois pleins d’énergie et d’espoir.

Après avoir longé sur un kilomètre la lisière de la forêt, ils atteignirent les abords d’un enclos familier où les enfants furent cependant déçus de ne pas y voir les quelques animaux qu’ils aimaient beaucoup.
En effet, à la belle saison, sur ces quelques ares de pâtures, trois chevaux et deux ânes y vivaient en paix.
Les enfants, qui venaient souvent les admirer, les avaient chacun baptisés d’un nom de leur trouvaille : Le cheval blanc était nommé l’ « Esprit Blanc », les deux jeunes juments, « Mido » et « Madame Elle » et les ânes « Eva » et « Saturnin »

La descente du plateau de Passeloup fut très pénible : Non seulement le sol glissait terriblement, mais leur marche fut ralentie grandement par un fort vent glacé mêlé d’une neige fine et abondante.
Ils mirent trois heures pour atteindre enfin Frivoli.
Fourbus et gelés, ils sonnèrent à la porte du cabinet vétérinaire du docteur Laurence Honey-Melba qui se tenait à l’angle de la rue de la Tête à claques et du boulevard Annie Véa.

C’est Miriane Janis, la secrétaire du vétérinaire qui leur ouvrit la porte. Elle portait un manteau, s’apprêtant manifestement à sortir et avant que Pascale ne puisse en placer une, elle leur signifia sèchement qu’elle fermait le cabinet pour le week-end et que le docteur Honey-Melba était en consultation à l’extérieur et ne serait pas visible avant très tard dans la soirée.
Pascale ouvrit alors le panier d’osier et expliqua que ce chat très malade devait avoir des soins le plus vite possible.
Miriane Janis ayant jeté un coup d’œil légèrement dégoûté sur l’animal, les invita alors à rejoindre la ville voisine de Tandem où un confrère pourrait certainement le prendre en charge.
Pascale était découragée : la ville de Tandem, mal desservie par les transports publics, se situait à plus de 10 kilomètres, elle n’avait pas les moyens de prendre un taxi.

C’est alors qu’Erwan, bondissant, poussa brusquement la porte en manquant de peu de faire tomber Madame Janis et se plantant dans l’entrebâillement, leva un poing rageur et hurla «  Au nom de la République, je vous ordonne d’examiner et de soigner notre chat ! »
Il y eut alors quelques longues secondes de stupéfaction et de silence général où tout le monde fixait éberlués ce gamin de huit ans qui, le visage tout rouge restait le bras levé, comme statufié sur le seuil par la colère.
A peine Pascale eut le temps de bredouiller quelques mots d’excuses, que Miriane Janis éclata d’un formidable rire puis, ouvrant toute grande la porte s’exclama « Alors si c’est une telle République qui l’ordonne, entrez ! Je vais voir ce qu’on peut faire pour cet animal ! »

Le chat Wolfgang fut rapidement placé sur une grande table blanche et examiné attentivement par la secrétaire.
Au bout de quelques minutes qui parurent une éternité pour les enfants, elle déclara que sous toutes réserves encore, Wolfgang ne semblait pas souffrir de fracture osseuse, mais d’une sorte d’atonie musculaire généralisée très probablement causée par son très grand âge.
Puis ayant réfléchi quelques secondes, elle proposa de placer le chat dans une des cages de gardes du cabinet et de laisser un message au vétérinaire pour qu’elle l’examine d’urgence et lui donne le cas échéant tous les soins nécessaires à son retour dans la soirée.
La petite famille agréa d’emblée cette proposition et remercia chaleureusement Miriane qui eut même droit dans la foulée à un magnifique baiser de la part d’Erwan et de Camille.
La secrétaire nota leur numéro de téléphone et leur adresse afin de les tenir au courant dès lundi matin puis elle leur offrit de plus un chocolat chaud et des gâteaux secs qu’ils acceptèrent avec joie.

Quelque peu revigorée par ces pas trop mauvaises nouvelles, cette chaleur humaine devenue bien rare, et par cet en-cas, la petite famille reprit son chemin du retour.
La tempête de neige ayant cessé, leur marche fut beaucoup moins pénible et ils retrouvèrent enfin leur petite maison un peu avant la tombée de la nuit.
Le dimanche qui suivi fut bien triste : Les enfants étaient très inquiets de ne jamais retrouver Wolfgang vivant et Pascale quant à elle se sentait sombrer de plus en plus vers un découragement morbide.   
Elle ne ferma pas l’œil de la nuit et malgré elle, se mit à échafauder de sinistres plans d’abandon et de mort.

La journée du lundi en rajouta de solitude et d’angoisses : Les enfants étaient à l’école ; le facteur apporta son lot de factures dont la plupart menaçaient de tous les périls et elle n’eut aucune nouvelle du chat Wolfgang.
Elle n’osa pas rappeler le cabinet du vétérinaire et lassée enfin de toute cette « farce sordide » elle prit le parti de mentir aux enfants en leur disant le soir que le pronostic de santé du chat avait été reporté sine die…
La nuit suivante fut aussi blanche que noire et à l’aube du mardi, Pascale avait écrit deux lettres en perdant quasiment son poids en larmes : L’une pour le maire de Passeloup où elle lui demandait de faire son possible pour prendre soin de ses enfants et leur assurer l’avenir qu’elle n’avait plus la force, ni les moyens, ni le moral de leur prodiguer. Elle lui révélait aussi l’endroit où elle avait l’intention de se pendre.
L’autre lettre était pour ses enfants…
Les dès en étaient jetés.

Elle soigna particulièrement le petit-déjeuner de ce mardi en profitant le plus possible d’Erwan et de Camille qu’elle devait voir pour la dernière fois.
Après les avoir embrassés, mais pas trop longuement pour ne pas les inquiéter, elle les accompagna au bout de l’allée ou passa le bus scolaire et leur fit aussi longtemps que possible des signes d’au revoir.
A la fois accablée et résignée, elle monta au grenier où dans une vieille malle elle trouva une corde la plus solide possible.
Redescendue, elle éteignit le feu dans la cheminée ; plaça bien en évidence les deux lettres sur la grande table familiale et sortit.
Elle irait se pendre dans le fond de la grande cave située sous la remise.
Il y avait un beau ciel bleu ce matin-là et Pascale jeta un dernier regard circulaire sur son misérable domaine.
Là-bas, pourrissait sous le givre et les détritus un semblant de potager qui avait été vite abandonné pour des travaux plus urgents.
Elle fit quelques pas vers la remise funèbre et se retourna pour regarder la petite maison inachevée : Les volets à moitié peints, le crépi manquant et le toit où ne nombreuses tuiles filaient.
Un éclair lui traversa l’esprit et elle revit l’image de Jean-Pierre, ce jour d’été en leur bonheur de jeunes mariés ; son Jean-Pierre perché sur la toiture qui lui annonçait l’arrivée de la rolls noire…
Elle crut même un moment en entendre encore le bourdonnement velouté du moteur…

C’est alors que derrière elle, un bruit insolite sortit Pascale de son souvenir.
Elle se retourna brusquement et elle aperçu avec stupeur la luxueuse berline noire des Passeloup s’avancer doucement vers elle dans l’allée de la maison.
Les mythiques ailes d’argent du réservoir éclatant de lumière se figèrent bientôt à quelques mètres d’elle.
Puis, elle entendit le puissant moteur s’arrêter dans un soupir soyeux.

RollsRoyce


A suivre

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Commentaires
L
est belle la république<br /> une bon chocolat chaud a dej& pensé bien des blessures ;-)
Répondre
A
Miaou ! Il faut attendre l'année prochaine pour connaître la suite. C'est infélidé !
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