Le féminisme, si je veux !
Ce qui me frappe, en premier lieu, c'est de constater qu'après avoir quitté le Maroc où j'ai vécu dix ans, après y avoir épuisé dans tous les sens la question du féminisme, une fois rentrée en France où tout me paraît tellement plus simple pour les femmes, eh bien ça continue... Parce qu'on y revient. Toujours. Tôt ou tard...
Ce combat-là, où que l'on soit, nous précède partout quand il ne nous poursuit pas.
Tar Valanion, Khey, Enn', Honey et DJ... Et moi maintenant.
Je n'ai rien d'une intellectuelle et je me sens fort embarrassée d'aborder ce point-là. Néanmoins, au titre de femme, de citoyenne, je m'y crois autorisée.
J'ai le sentiment de comprendre toutes mes congénères. C'est de l'ordre de l'intelligence. Mais je ne partage pas tout, c'est de l'ordre du choix, de l'éducation, de l'expérience.
Je comprends le besoin de Khey d'être protégée, de suivre l'exemple (convaincant ?) d'une famille où chacun a sa place, consentie, et où ça fonctionne bien. Je comprends ce besoin de se sentir épaulée et d'aimer l'autre en prenant soin de lui. C'EST UN CHOIX. Dire à Khey qu'elle peut changer de mode de vie n'a pas de sens. Elle n'a tout simplement AUCUNE raison de le faire ! Elle est heureuse ainsi. Idem pour DJ.
Je suis d'accord avec Khey pour dire que le féminisme a été, dans une certaine mesure, un cadeau empoisonné... Pendant et après la guerre, le manque d'hommes a rendu le travail des femmes nécessaire et plus systématique. On a voulu leur faire croire que cela les émanciperait. Ce ne fut pas le cas à l'époque. Maintenant peut-être ? Je m'insurge aussi violemment contre les magazines féminins (et non pas féministes) qui valorisent jusqu'à la caricature, jusqu'à la nausée, des femmes qui bossent 40 heures par semaine, élèvent seules leurs enfants, soignent leur ligne et trouvent encore le temps d'être fraîches le soir pour cuisiner puis faire preuve de créativité au lit. C'est ridicule. C'est honteux. Ca me met TRES en colère...
Et pour être tout à fait sincère, non seulement je comprends Khey, mais je l'envie...
Pourtant, Enn' et Honey ont raison : ce que fait Khey n'est en grande partie possible aujourd'hui que parce qu'hier des femmes se sont battues pour que nous puissions être indépendantes, pour que les abus soient punis. Cela se respecte. Cela ne s'oublie pas. Et si à l'époque on est tombé dans l'intégrisme, c'est parce que la situation était intolérable, parce qu'un excès en appelle un autre.
On n'a plus le choix... On ne reviendra pas en arrière. Et c'est tant mieux quelque part... Car à côté de l'image romantique qui présente nos grands-mères comme des femmes épanouies dans leurs rôles, assujetties aux hommes et paternellement protégées par eux, combien, bien plus nombreuses, ont gâché leurs vies ? Je suis heureuse pour les femmes qui ont pu, qui ont eu l'occasion de vivre dignement, avec bonheur et réussite, à l'image des premières. Les autres me font pleurer...
J'ai rêvé d'être à mi-temps, pour pouvoir m'occuper d'un homme, d'enfants, d'une maison. Ca, c'est de l'ordre du mimétisme, de l'éducation, c'est le modèle, c'est le désir profond.
Je comprends d'autre part les féministes qui savent que le pouvoir économique donne le pouvoir politique. Ceux qui ont le salaire prennent les décisions. Le plus souvent. Ca, c'est de l'ordre de la logique économique.
Et je sais que désormais, je n'oserai plus jamais confier mon destin à un homme, hypothéquer mon indépendance financière parce que je n'aurai plus jamais pleinement confiance.
Et ça, c'est la vie.
Notre génération n'a-t-elle pas le triste privilège de bénéficier des acquis du féminisme au point d'oser les gaspiller parfois ? Trop évidents... Moi, je ne le peux plus. Je crois que les grands acquis du féminisme doivent se conserver.
Alors... Pourquoi ne pas trouver un compromis ? Et affirmer avec force que les droits des femmes doivent être défendus, mais rappeler aussi que le féminisme ne doit pas nous conduire de façon péremptoire vers un mode de vie contraint. La liberté, oui, mais celle que l'on se choisit ! La liberté financière (et les contraintes professionnelles), oui, mais pas si l'on n'en a pas envie et que l'on peut faire autrement ! Et le respect pour toutes... Le féminisme ne doit pas être un dictat. Je crois que ce qu'il faut garder des combats de nos mères, c'est qu'aujourd'hui, nous le pouvons.
A nous de le faire.
Ou pas.
Et faire de ce combat (qui n'est pas démodé pour la grande majorité des femmes dans le monde !!) un féminisme intelligent qui fait la part entre le besoin de reconnaissance et d'épanouissement des femmes et les attributs spécifiques à chacun, hommes et femmes. Car qui nierait que nous n'avons jamais été égaux ? Je suis d'ailleurs en cela un peu d'accord avec Tar Valanion qui, dans un commentaire à sa propre note, compare la parité dans le domaine politique à de la discrimination (si positive soit-elle...) Et là encore, puisque l'exemple se présente, trouver un juste milieu. Pas des élues pour qu'il y ait des élues : c'est la compétence qui doit être le premier critère, quel que soit le sexe. Mais suffisamment de représentantes féminines pourtant pour que les intérêts des femmes soient protégés du machisme qui sévit. Et sans en faire un enjeu démagogique...
Le féminisme, c'est peut-être cela, alors. Le respect des choix de vie des femmes, en fonction de leurs moyens, de leur histoire, de leur culture et de leur éducation. Mais en veillant à ce que ces choix-là soient librement consentis, et à condition que les moyens de ces choix ne soient pas délibérément mis hors de leur portée...
J'ai écrit cette note de façon impulsive, elle aurait demandé beaucoup plus de réflexion, je l'annoterai peut-être en comm' en fonction des réactions. Et j'aimerais, s'il est possible, que des hommes répondent à cette note pour l'enrichir et apporter leur point de vue masculin, leur expérience.
Les hommes... Toujours...
Messieurs... Nous vous aimons !
Sourire.