Bouillon d’écriture (1) – Archéologie de la tong – Martin Lothar
Putain, faut être cong
Pour jouer nu au ping-pong
Avec une tong
(Hotolosa Kishisiba, 1645-1655)
La découverte eut lieu quelque six mois après l’ouverture du chantier de fouilles.
Ce
site nous avait déjà révélé pas mal de surprises : son âge d’abord
puisqu’il date de plus de 3000 ans avant JC ; ensuite, son origine
manifestement Celte, aux résultats des analyses qui s’accumulaient et
se recoupaient, nous avait éberlués eu égard à son ancienneté et à la
mise à jour de très grands monuments en pierre de taille tels que des
temples, des théâtres ou des termes, autant de choses complètement
atypiques pour cette civilisation réputée nomade.
Par sa taille
enfin, plus d’un millier d’hectares en pleine campagne autrichienne, il
est devenu au fil des mois, un des plus grands sites archéologiques
d’Europe.
J’étais évidemment très fier d’être le responsable de ce
chantier qui révélait jour après jour les vestiges d’une des plus
grandes et plus anciennes villes du monde.
Vers le troisième mois de
recherche, je décidai avec l’accord de l’académie de baptiser cette
cité celte du nom d’Einairamdorf qui est celui du paisible village qui
la voisine actuellement.
Et puis il y a eu cette découverte
fabuleuse de ce matin de septembre 2005 qui m’aurait certainement valu
le prix Nobel s’il existait pour l’archéologie.
J’en fus prévenu
par téléphone alors que je prenais quelques jours de repos chez moi à
Vienne et que j’étais en train de somnoler en lisant le blogue rasoir
et un rien prétentieux d’un imbécile de mes amis qui se prend pour un
loup – garou en plus.
J’ai décroché le combiné de la main gauche
pour répondre à mon adjoint tchèque, mon fidèle bras droit, Lev
Hiskarol sans l’aide de qui rien n’aurait pu arriver. Il était dans
tous ses états ; hurlant, s’étouffant, bégayant, suffocant et ce n’est
qu’après plusieurs minutes que j’ai pu comprendre que l’on venait de
mettre au jour l’incroyable, l’inespérée : une pierre gravée d’un texte
à l’alphabet à priori complètement inconnu !
Les Celtes avaient donc une écriture…
Nous étions entrés mon équipe et moi dans l’histoire de l’archéologie.
Mon
sang viennois ne fit alors qu’une valse et ivre de bonheur, je poussai
un cri animal tout en claquant fortement le bureau d’un plat de main et
fis éclater ainsi un malheureux tube de crème Nivea qui s’y trouvait.
Je
dévalai les escaliers et, tel le plus grands des cow-boys, j’enfourchai
ma moto en sautant d’une foulée. Ma monture à deux roues était alors
une Frivoli 750 STV ; la Frivoli, c’était un joli bijou mécanique,
équipée d’un puissant moteur STV 750 cm3, bi cylindre à éthanol de
betteraves et de freins à roulement à billes de verre vertes et
noires.
J’arrivai sur le site en vrombissant dans un nuage de
poussière et de fumée – j’ai des moments James Dean quelquefois - et je
rejoignis aussitôt toute mon équipe réunie sur les lieux mêmes de la
découverte, qui formait une grappe fébrile et bruyante autour de notre
Ichnologue irlandaise, Roxane O’neypsy-Lone, qui commençait
fiévreusement à déchiffrer les signes de la pierre.
Une nouvelle
surprise de taille nous attendait : l’écriture de cette pierre était
composée de plusieurs alphabets : Des runes nordiques, du grec primitif
voire du Crétois dédalien, des hiéroglyphes égyptiens, des cunéiformes
assyriens, de l’Araméen – incontournable - et pour la plus grande part,
des varistes gallois qui sont, comme chacun le sait, les caractères
gaéliques découverts il y a peu à la base des mégalithes de Stonehenge.
Roxane
était abasourdie par cette découverte et faillit s’évanouir en
m’apercevant – mon charme naturel, phallique, dominateur, managérial,
un brin Dicaprien, sans parler du soupçon oedipien que seule les femmes
de sa trempe savent détecter dans les enveloppes fragiles des mâles de
ma condition, n’y étant évidemment pas étranger.
Retirant
alors d’un geste viril et érotique mes lunettes de soleil qui
m’allaient comme un gant de crin sur une pine d’ours des Carpates, je
l’invitai incontinent à aller s’asseoir un peu à l’écart de toute cette
agitation malthusienne afin notamment, de reprendre ses esprits et
accessoirement quelques forces par la dégustation d’une giovinetta. Il
s’agit d’un gâteau italien à base de gelée d’amande confite, de pêche
melba et de myrtilles. C’est vrai qu’elle raffolait de cette saloperie
pasteurisée non sans nous en gonfler puissamment les burnes à n’importe
quelle occasion d’ailleurs.
Roxane me livra alors ses premières
impressions et tout en l’écoutant parler, je regardai le léger
mouvement de ses seins qui pointaient généreusement sous un ticheurte à
l’effigie jaunâtre, palmée et quelque peu décatie de Saturnin le
canard. Je fis cependant attention de ne pas polariser sur cette
poitrine – ou sur le canard - dans la mesure où, à l’instar du pot
d’échappement de ma formidable Frivoli 750 STV, je souffre
quelque peu d’éjaculation précoce.
Selon elle, cette pierre
apportait la preuve matérielle des nombreuses thèses avancées depuis
plusieurs années déjà par les spécialistes de la civilisation celte.
Cette population indo-européenne avait bel et bien erré dans toutes
l’Europe et même jusqu’à l’Afrique pour récolter des brides d’autres
civilisations avant de tout perdre – certainement par une guerre
fratricide – et de migrer enfin vers l’Ouest. C’est d’ailleurs sans
doute pour ça que nous sommes tous un peu à l’Ouest quelque part.
Il
ne restait plus qu’à déchiffrer cette écriture : un travail énorme de
plusieurs années d’autant plus que ce fut hélas le seul fragment
lisible que nous trouvâmes sur tout le site.
Trois ans plus tard,
les experts aidés de puissants ordinateurs achevèrent leurs travaux et
publièrent la traduction du texte de notre pierre gravée :
«
Solde d’hiver au marché du carrefour d’Einairamdorf, promotion
exceptionnelle de trois paires de tong rose à paillettes pour le prix
sacrifié de 0,99 poulet »
Les celtes primitifs furent donc les inventeurs de la tong, des nombres irrationnels et du marketing débile.