Mathématiques
Ils arrivent en rangs clairsemés, avant de
s'agglutiner en grappes resserrées autour d'un scooter ou d'un copain
longtemps attendu. Je reconnais quelques têtes qui, il y a peu encore,
prenaient place dans mes classes de lycée professionnel. Ceux-là, qui
ont quitté la filière générale pour diverses raisons, sont venus, tôt
ce matin, soutenir leurs anciens camarades dans l'épreuve de
mathématiques. Je crois pourtant me souvenir qu'ils arrivaient parfois
en retard en classe... Ils sont en avance ce matin.
Je dépose ma fille, lui souhaite une bonne journée, oublie de lui
souhaiter bonne chance et file aussitôt. Chez nous peu de solennité,
les examens sont décomplexés. Je me souviens qu'à l'université, je me
retrouvai honteuse en salle de partiel un jour : je venais de me rendre
compte que j'avais été faire des courses au Géant Casino et qu'il me
fallait déposer mes poches d'achats alimentaires au pied de la table
d'examen. Pas de voiture à l'époque, donc pas de coffre... "Merde,
t'exagères, quand même...", me dis-je alors...
Je sais qu'elle prend déjà la direction de son groupe, qu'ils parleront
pour rassurer ceux qui sont encore inquiets. Mais l'ambiance est plutôt
décontractée et chaleureuse.
Ils sont en avance. Besoin de serrer les coudes, de faire groupe, de se
donner un peu de courage. Aujourd'hui, ce n'est qu'une épreuve sans
enjeu, personne ne risque sa tête. Pourtant on tentera de faire de son
mieux ; ces gamins-là, pour la plupart, veulent et peuvent s'en sortir.
Quelques couples en liberté, à l'écart parfois des essaims qui
grossissent peu à peu. Ceux-là, quoi qu'il arrive, ont moins peur que
les autres.
Un dernier regard sur de longues boucles brunes qui s'en vont dans une
joie mâtinée d'angoisse. Pas de celle qui paralyse, non, de celle qui
vous pousse vers les autres pour partager et se sentir plus fort. De
celle qui soude dans un élan grégaire.
Bonne chance à tous !