Comment supporter sa liberté

Hier Charivari invitait Chantal Thomas. (Non, pas Chantal Thomass !).
L'entretien fut délicieux et passionnant, et j'ai presque béni les bouchons dans lesquels je me suis trouvée, d'ailleurs j'ai fait demi-tour, et je suis rentrée à la maison écouter la fin.
Elle a parlé de la necessité du vide et de l'inutile (et ça me parle) de la boîte de Pandore qu'est un livre. de sa découverte de Sade le soir au dortoir sous les couvertures, et de beaucoup d'autres choses.

Je me suis alors souvenue que quelqu'un de très cher m'avait, il y a déjà bien longtemps (hélas, je n'ai pas noté la date, dommage) offert un petit livre d'elle que j'avais beaucoup aimé "Comment supporter sa liberté".

Extrait :

"Quoi ? Elle aurait quitté son amant après l'amour? Comme ça, pour aller boire un verre ? « ... dans l'instant qui suivait l'amour, il éprouvait un insurmontable désir de rester seul ` », écrit Kundera de son personnage. Un homme. Ce peut être vrai d'une femme. Mais pour qu'elle éprouve ce désir, ou pour qu'elle l'exprime, il lui faut faire un saut hors de la tradition, s'envoler du cadre de toutes les images de bonheur à deux, romantiques, ancestrales, si rigides et stéréotypées qu'à vouloir faire un pas à côté elle s'en trouve paralysée. […]

Quand c'est l'homme qui, après l'amour, éprouve cet « insurmontable » désir d'être seul, ce n'est pas facile à imposer à sa partenaire. Mais que se passe-t-il si c'est elle qui, se désengageant doucement, cherche au fond du lit sa petite culotte, puis décoiffée, les vêtements boutonnés de travers, gagne la sortie ? Alors cette envie de s'en aller est encore plus difficile à expliquer. L'idéal est que l'amant se soit aussitôt endormi. Sinon, elle aura beau affirmer, répéter que c'était très bien, qu'elle est heureuse, qu'elle l'aime, que c'est parce que c'était si bien qu'elle a envie d'être seule, rien n'y fera, il sera convaincu du contraire. I1 croira que si elle s'en va, c'est parce qu'elle est triste, mécontente, ou amoureuse d'un autre auprès de qui elle retourne. Mais non, je n'aime que toi... Les tentatives d'éclaircissement accentuent le malentendu. Alors, par lassitude, peut-être se résignera-t-elle à rester. Et il faut souhaiter à tous deux que ne s'entame pas ainsi l'enfer d'une insomnie partagée, qu'ils souffrent côte à côte, muets, les yeux ouverts dans le noir, la respiration oppressée, à suer de chaleur et d'angoisse. Le temps s'est arrêté tandis que de l'un à l'autre la séparation ne fait que croître. L'autre est si loin désormais qu'elle ne peut plus partir. Elle ne peut même pas bouger dans le lit et soupirer tout haut. L'espace mortifère de la tragédie s'est refermé sur elle. Ce lit qui, tout à l'heure, lui était aussi léger que nacelle préfigure maintenant le double tombeau conjugal, sous la dalle." (Chantal Thomas)