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24 décembre 2005

Bouillon d’écriture n° 5 - Un Noël à Frivoli (2/3) – Conte de Noël de Martin Lothar

Deuxième partie

Alors qu’ils réglaient les détails d’organisation pour la nuit, les lumières s’éteignirent plongeant la chapelle dans la pénombre et causant quelques cris de surprise : c’était une panne de courant que Mademoiselle Enne n’avait pas osé envisager.
Après quelques secondes, un bref claquement se fit entendre dans les profondeurs du bâtiment et les ampoules s’éclairèrent de nouveau mais très faiblement.
Au moins le générateur de secours fonctionnait, pensa Mademoiselle, mais elle ne put refouler une certaine angoisse montant en elle.
La tempête de neige qui s’amplifiait avait dû mettre à mal le réseau électrique : quelques câbles givrés auront dû claquer ?

C’est alors que le docteur Suze vint lui proposer qu’un de ses pensionnaires, Monsieur Wulck qui est un ingénieur à la retraite, aille examiner la chaudière.
Mademoiselle ayant accepté, elle demanda à un des orphelins de guider le docteur et son pensionnaire vers la cave.

Les enfants avaient déjà repris leurs activités de décoration sous le regard curieux des nouveaux venus.
Les garçons les plus âgés sous la direction de Monsieur Saturnin, le professeur d’éducation physique, entreprenaient de tendre des cordes entre les parois de la chapelle afin d’y accrocher toutes sortes d’objets de couleurs faits de carton ou de papier.
Dans un coin, les plus petits se pressaient près de la crèche en construction sous la houlette de Mademoiselle Myrtille, le professeur de Sciences Naturelles : Un nid de boîtes de cartons recouvert de papier kraft et de paillettes d’emballage où reposerait un baigneur en plastique.
Ce petit Jésus serait entouré par une vierge en plâtre et un santon de Provence en guise de Joseph.
L’âne et le bœuf étaient représentés par des dessins accrochés sur la paroi ; Chacun des petits faisant des pieds et des mains pour que son dessin soit placé le plus évidence auprès du petit Jésus : Qui son éléphant, l’autre sa maisonnette idéale, son vaisseau spatial ou son robot futuriste.   
Plus loin, certains s’activaient à décorer un petit sapin en plastique et d’autres s’occupaient de parer la grande table pour le déjeuner du lendemain.

L’intendant, Monsieur Eva entra alors dans la chapelle, tenant des pièces de métal dans une main.
- Mademoiselle, dit-il, je craignais le pire et c’est arrivé. Voici une des pièces principale du brûleur : cassée net. Il faut que j’aille à A. pour tenter d’en trouver une neuve et vu la neige, je ne suis pas de retour de si tôt !

Mademoiselle Enne fit une grimace de dépit : Avec cette tempête, son intendant mettrait des heures et des heures à revenir.
Elle s’assit à la table et se concentra pour réfléchir.
Tout d’un coup, ils entendirent tous un sourd grondement suivi de peu par un léger ronronnement. Ce bruit leur était familier : La chaudière s’était remise en marche !
Mademoiselle Enne jeta un regard interrogateur à son intendant qui ouvrait des yeux exorbités.
Monsieur Wulck apparut alors, souriant en s’essuyant les mains et s’écria : ça marche !
L’intendant se précipita vers lui en lui présentant les pièces et demanda :
- Mais, Monsieur, comment ça peut marcher sans ça ?

Avec un large sourire, Monsieur Wulck répliqua :
- Oh ! Ce truc n’a aucune importance.

Le vieil homme laissa l’intendant figé de stupeur et regagna sa chaise.
- Du moment que ça marche ! dit Mademoiselle Enne dans un soupir de soulagement.

A ce moment les lumières s’éteignirent une nouvelle fois puis se rallumèrent aussitôt avec leur luminosité habituelle : Le courant avait été rétabli !
Cette autre bonne nouvelle fut accueilli avec enthousiasme par toute la communauté.

Après un léger déjeuner « pique-nique », la communauté poursuivit tout l’après-midi ses travaux de préparation avec la même ferveur.
Les enfants s’agitaient et s’égayaient autour des anciens qui semblaient fortement apprécier cette ambiance.
Mademoiselle Enne attendait avec impatience le moment inévitable où les deux âges entreraient en relation intime et elle savait bien qui en seraient les pionniers : Les deux plus jeunes des orphelins, Amélie et Arthur qui depuis plusieurs minutes tournaient autour des anciens avec des mines soucieuses et des regards pleins d’envie.
C’est la petite Emilie qui, bientôt fit le premier pas en s’approchant au plus près de Madame Venne qui était d’ailleurs aussi la plus jeune dans « sa catégorie »
La petite fille la fixa avec ravissement et dit :
- Tu es une grand-mère hein ?

Le visage de la vieille dame s’illumina alors en révélant des traits qui avaient dû jadis être d’une très grande beauté.
Oh oui, ma poupée, je suis plusieurs fois grand-mère, mais tous mes enfants sont bien loin de moi maintenant !

Avec le plus grand des sourires,  Emilie posa une main sur celle de madame Venne et dit :
- Alors on dirait que tu es ma grand-mère hein ?
- Oui si tu veux ma chérie, répondit Madame Venne en riant, mais dis-moi : quelle est ta friandise préférée ?

Après un pincement de bouche, la petite fille répondit :
- La sucette au coco et au chocolat, mais j'en mange pas souvent car on en trouve pas partout !

Alors la vieille dame plongea une main dans un de ses poches et en sortit deux sucette enrobée de papier d’argent
- Comme celles-ci, demanda t-elle ?

Comme la petite fille, Mademoiselle Enne, qui assistait de près à la scène, fut très surprise d’une telle coïncidence : Madame Venne venait de faire apparaître deux sucettes au coco et au chocolat !
Mademoiselle Enne contempla néanmoins un bon moment et avec émotion, cette vieille dame et cette petite fille partager la lente dégustation de leur sucette et continuer leur charmante conversation.

Tout d’un coup, la porte de la chapelle s’ouvrit brutalement et le Père Carrol fit son apparition.
Le Père Carrol est le curé du petit village de B dont dépend l’orphelinat. Outre quelques messes qu’il célèbre dans la chapelle, il est aussi professeur d’histoire et de latin.
Son visage était rougi par le froid et son manteau couvert de flocons.
- Fouchtra, rugit-il, quel temps de chien !

Il salua mademoiselle Enne et l’informa que la neige bloquait désormais la route et qu’il avait dû laisser sa voiture plantée dans une congère à plus de deux kilomètres, pour continuer à pied.
Il s’étonna que l’orphelinat ait encore de l’électricité dans la mesure où il avait laissé le village dans le noir le plus complet et que d’après les nouvelles, le réseau n’était pas prêt d’être remis en ordre.
Il en conclut bien sûr à un miracle.
Mademoiselle le tînt informé des derniers évènements et lui présenta le docteur Suze et ses pensionnaires.

Après un rapide dîner pris tous ensemble autour de la grande table, la veillée put commencer.
La communauté se groupa autour du petit autel d’où le Père Carrol lut un court passage de l’évangile de Saint-Jean.
Il fit une courte bénédiction, puis tout le monde entonna avec une très grande ferveur, le chant « ô douce nuit » accompagné au petit orgue par Sœur Giov, le professeur de musique et de chant.   
Mademoiselle Enne prit ensuite la parole.
Dans son discours, elle rappela toute l’importance de ce jour de Noël qui était l’occasion pour petits et grands de faire le point sur sa vie passée et présente et de faire les vœux qui s’imposaient pour le bonheur et la quiétude de tous.
Dans une grande émotion générale, elle évoqua bien sûr la fermeture inévitable de l’orphelinat et la dispersion de toute la communauté.
Elle émit cependant le vœu que chacun d’entre eux trouverait un nouveau foyer ou un nouvel emploi qui lui apportera bonheur et conforte et réconfort.
Mademoiselle Enne fut applaudit chaleureusement après que chacun eut écrasé sa petite larme.
C’est alors qu’un des anciens, Monsieur Paulon, se leva ému et proposa de jouer un morceau sur le petit orgue de la chapelle.
Cette initiative fut bien sûr agréée avec enthousiasme et le vieil homme après avoir « pianoter » un peu pour tester le clavier et l’instrument, se concentra et entama le magnifique choral « Wachet auf, ruft uns die Stimme » BWV 645 de Bach.
Dès que les tuyaux exultèrent les premières notes fascinantes du thème, les auditeurs furent saisis par la sonorité peu habituelle du vieil orgue : On eut dit que l’organiste transfigurait l’instrument.
Sœur Giov surtout, en fut toute ébahie et elle dira même peu après, qu’il lui semblait avoir entendu vibrer les grandes orgues de la Cathédrale de Chartres !
Décidemment pensa Mademoiselle Enne, ces petits vieux sont vraiment des magiciens.
Après que Monsieur Polon eut remercié du triomphe que l’auditoire lui fit, et avant de se séparer, tout le monde entonna d’une puissante et émouvante ferveur, le cantique de Jean Racine et Gabriel Fauré qui était un peu l’hymne de l’Orphelinat : « Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance… »

Il fut alors temps d’envoyer les enfants au lit ; ce qu’ils firent avec en grande turbulence, mais, spontanément, causant ainsi une grande émotion dans le clan des adultes, ils se précipitèrent tous vers les retraités pour leur souhaiter une bonne nuit.

Des lits de camp et toute l’intendance nécessaire furent apportés dans la chapelle et installés près de la crèche non loin d’un des énormes radiateurs, où les anciens pourront dormir au mieux.
Les maîtres s’empressèrent alors de répartir les friandises et gâteaux dans les divers paquets et boîtes marquées au nom de chacun des orphelins et placées en tas au pied du misérable sapin en plastique.

Le Docteur Suze remercia chaleureusement Mademoiselle Enne qui fut la dernière à quitter la chapelle.

Ayant refermé la porte, le docteur Suze se plaça alors dans le demi-cercle que ses onze pensionnaires faisaient encore assis sur leur chaise autour du petit autel.
Il les dévisagea alors un par un et dit :
- Mes amis, mes chers amis, depuis des temps et des temps, nous errions dans la nuit de l’humanité à la recherche d’un asile sûr et réconfortant.
Voilà qu’aujourd’hui nous avons échoué par le plus grand des hasards dans cet orphelinat au bord de la ruine et du démantèlement.
A peine sommes nous entrés en ces lieux et avons ressenti la chaleur, la tendresse, l’amour de ces enfants et de leurs maîtres que notre jeunesse, nos forces et nos pouvoirs d’antan se sont remis à circuler et à vibrer en nous.
Le jour est venu de nous installer définitivement pour jouir enfin de la paix éternelle que les hommes nous ont lâchement refusée depuis des siècles et des siècles.
Nous le ferons dans cet orphelinat de Frivoli que nous préserverons désormais de la ruine et auquel nous rendrons toute sa splendeur, tout son confort et toute sa réputation.

Le docteur Suze leva alors son bras gauche et ouvrit sa main d’où jaillit aussitôt une flamme dorée en forme d’œuf qui illumina toute la chapelle d’une lumière surnaturelle.
Les onze vieillards relevèrent la tête et leurs yeux s’illuminèrent alors d’un puissant éclat argenté.
Tous semblaient avoir rajeuni de plusieurs années : leur teint s’empourpra, leurs rides avaient disparu et leurs cheveux avaient soudainement repris leur éclat adolescent.
Le docteur Suzes dit alors :
- Mais avant, mes amis, nous avons jusqu’au lever de jour de grands travaux à accomplir afin que ces chers enfants aient demain le plus beau Noël que jamais être humain n’ait connu !

A suivre demain…

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Commentaires
R
C'est très beau... Quel dommage de devoir attendre jusqu'à demain! La fin sera donc notre cadeau.
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C
Bouh, chuis toute z'émue.(la p'tite Emilie est chou-trogne, j'en veux une toute pareille ;D)<br /> <br /> Reste à savoir qui sont ces onze vieillards... ou douze (le docteur Suze fait partie de la troupe ?).<br /> <br /> Suspense... comme dit Honey.<br /> <br /> Bonne veillée de Noël à tous!
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M
le Loup nous avait promis des larmes, eh bien ça marche...<br /> Grand méchant loup, va !<br /> (Honey avait donc raison...)<br /> <br /> Pas grave, j'ai demandé des mouchoirs et des serpillières pour nowel toutes façons.
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H
penser qu'à la suite de ce feuilleton extraordinaire!<br /> Je n'ai plus de salive à rester ainsi, bouche ouverte à lire ce texte.<br /> Joyeux Noël, et bizatous(honey2005)
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