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Soupe au chou
Mona Lisa, de son vrai nom La Simona, était une grande mathématicienne. Elle rencontra Leonardo da Vinci (surnommé Cappuccino Sfumante, à cause de ses colères fulgurantes comme un éclair au chocolat de chez Picard) dans un bouge vénitien décoré de chandeliers éclairant des scènes d'orgie maniaques et ampoulées. Ils se croisèrent le soir du 29 février mille quatre cent nonante deux. Elle lui parla d'une découverte récente qu'elle avait faite. Elle venait de s'apercevoir que la somme des carrés élémentaires contenus dans l'aire d'une fonction périodique réciproque pouvait dans certaines conditions encore à préciser formellement, se calculer simplement en prenant l'inverse de cette fonction élevée au carré. Léonardo ne put s'empêcher de tousser en avalant un scotch que lui avait rapporté son ami Quentin Durward. Il pensa aussitôt qu'elle se foutait de sa gueule. Pour se venger, il lui proposa de lui tirer le portrait, car il avait quelques talents de peintre, outre ses qualités de cuisinier hors pair, qu'il avait acquises pendant un voyage en France, où il avait appris à réaliser une préparation simplissime à base de farine, d'oeufs frais et d'eau. Il travaillerait longtemps à perfectionner cette recette. Un jour de mille quatre cent nonante trois (c'était le 12 février, je crois), il essaierait de passer cette pâte épaisse dans une moulinette de son invention qui consistait en un entonnoir métallique muni d'une sorte de pressoir, emmanché d'un cylindre oburé à l'autre extrémité par une grille percée de trous ronds. Il aurait la surprise de voir se former de longs serpentins. Il les laisserait sécher au soleil florentin qui inondait d'une lumière diaphane le printemps précoce, en prenant garde aux rats qui menaçaient de se repaître innocemment de ce mets délicat en cours de dessiccation. Ce serait après quelques semaines seulement, qu'il aurait l'idée de cuire les cylindres ainsi obtenus dans une eau claire aditionnée d'un peu d'huile d'olive importée de Sicile. C'est avec La Simona qu'il goûta la préparation. Elle en repris maintes et maintes fois. La confection du portrait de la belle s'éternisait, car Leonardo faisait durer, durer en espérant que dame craquât. Elle ne craqua pas.
C'est alors qu'il eut l'idée de préparer une nouvelle recette. Il venait de goûter un couscous réalisé avec amour par Benito M. qui rentrait d'une épopée tunisienne. Il remplaça la semoule par des haricots blancs, le mouton par du confit de canard gavé aux figues à la mode latine, les merguez par des saucisses, le poulet par des coustellous et les oreilles de dromadaire par des pieds de cochon de Ravenne. Son modèle fut encore une fois saisi de boulimie à la vue de ce plat fumant. L'effet des féculents fut quasi immédiat. Elle se soulageait régulièrement pendant les séances de pose en souriant de contentement. Par chance pour elle, à l'instar de Vivaldi, Leonardo était sourd, et comme Silvio Berlusconi, il avait perdu l'odorat. C'est ce sourire que figea le peintre sur la toile.
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